Nature

“Tout ce qui subsiste chez les adultes de l’atmosphère des forêts enchantées, tout ce qui participe encore en eux de l’habitude du miracle, tout ce qui respire dans leur souffle un parfum des contes de fée, sous la piètre apparence démente de ces paysages faiblement inventés se révèle” —Louis Aragon, Paysan de Paris

Ici, non loin de Paris, se trouvaient des marais, devenus la plaine maraîchère d’un des plus grands territoires agricoles d’Europe. Entre 1952 et 1972, des gitans d’Andalousie s’y sont installés, ainsi que des Roms d’Europe de l’Est, des Portugais, des Algériens, des Marocains, des Tunisiens, des Yougoslaves, et quelques familles françaises, dans des conditions insalubres, dans ce que l’on a appelé le bidonville de Campa.

Or, on semble y ressentir ce « sentiment de nature » cher aux surréalistes, et que le paysan d’Aragon éprouvait lorsqu’il se promenait dans le parc des Buttes-Chaumont, au nord de la capitale concomitante.

Comme ce dernier, le parc de La Courneuve a été inventé et construit de toutes pièces.
Réparti sur cinq communes, il impose son paysage opulent à la rudesse de la banlieue parisienne.
Vastes plaines, belvédères, monts et pyramides : tout vise à se réapproprier une perspective affranchie des barres d’immeubles qui strient le regard à quelques pas, et qui ici ne se discernent que d’en haut, rendues minuscules par la force des points de vue minéraux.

Si NATURE il y a, c’est dans un double jeu de langage : d’abord celui clôturé, aménagé, structuré, par les paysagistes et ensuite réinterprété par les occupants. Ici, végétation dense et sculptures de pierre, bois sombres et lignes claires, pratiques modernes et puissance primitive des arbres se confrontent et se mélangent.

A travers la dualité constitutive du parc, c’est la force intérieure des êtres qui le traversent qui se révèle, leur nature en un second sens. Espace clos, mais espace de liberté, il crée son autonomie et son indépendance esthétique à la fois par sa porosité – l’entrée est libre – et son opacité.

Dans le silence du lieu, la contemporanéité s’enfonce dans cet espace hybride comme dans un envers originel, créant un tableau asynchrone où le réel devient fable. Et puis, comme le dit Aragon, « refléter fidèlement les vastes régions sentimentales où s’agitent les rêves fous des citadins ».