La Fin de l’abondance

Durant l’été 2022, la polémique enfle autour d’une formule du président de la République : « la fin de l’abondance ». L’expression est sur toutes les lèvres, y compris sur les miennes, car je suis en train de liquider 10 ans de photographies dans les 17 chapitres de mon prochain livre, qui trouve soudainement son titre.

Toutes les 48 pages, l’ouvrage s’empare d’un thème, d’un fantasme ou d’une peur contemporaine (parmi lesquelles les pénuries de nourriture, le réchauffement climatique, la désertification des centres-villes) et y oppose ce que l’on pourrait qualifier avec Hito Steyerl des « images pauvres », ou tout du moins des images en voies d’appauvrissement. Entre les pièces de ce puzzle, un bruit de fond se constitue : celui des luttes sociales, des espoirs de la vie nocturne, d’une vie qui cherche à se réinventer.

Le dispositif du livre joue avec l’abondance des photographies, écho au « supermarché des images » contemporain, mais réinterroge aussi la capacité de remplacement du réel qu’on a voulu attribuer à la photographie. Une fois compilés et standardisés dans un cadre donné, les images-objets produisent en effet une autre histoire en se soumettant au rythme du papier, de la lecture, des supports matériels qui l’accueillent. Ce livre a donc été fabriqué dans l’esprit de « la fin de l’abondance » et de ses ramifications, alternant l’usage de trois papiers habituellement destinés à l’industrie, à la publicité, et à l’édition littéraire.