Finissage avec Christophe Berhault et Matthieu Orléan samedi 16 mars 2024 à 17h.
delpire & co se réjouit d’accueillir Bertrand Mandico et Christophe Berhault avec Scrapbooks, second volet de l’exposition présentée lors des Rencontres d’Arles 2023 à l’occasion de laquelle est paru le livre éponyme de Matthieu Orléan
Dans le cadre de cette exposition, 16 collages de Bertrand Mandico réalisés autour de son film Connan, seront présentés aux côtés d’une série de scrapbooks de Christophe Berhault.
De l’anglais scrap, rebut, et book, livre, le scrapbook moderne né au début du xxe siècle avec l’essor de la photographie et l’accélération de sa reproductibilité. C’est un objet hybride relevant aussi bien du journal intime que de l’album photos, du carnet d’esquisses que de l’atlas imaginaire. Sa matière hétérogène procède de principes associatifs subjectifs guidant la confrontation d’images aux statuts différents : sur des doubles pages reliées, sont découpés, superposés et manipulés des tirages photographiques, des coupures de presse, des estampes, des cartes, des pellicules, etc. Des textes fragmentés, souvent poétiques et parfois dessinés, accompagnent et subvertissent ces images. La création y est une collision, dont les collages sont les étincelles.
Les scrapbooks sont des emblèmes de l’ère pré-digitale : le contraire des pratiques dématérialisées, aujourd’hui dominantes, que pourtant ils annoncent.
Relégués aux rayons reculés des (bas) fonds d’archives, les scrapbooks de cinéma sont par essence underground. Luttant contre les images banalisées, ce sont des œuvres utopiques, critiques des dispositifs usuels de représentation. Merveilles d’arte povera, ils sont nés d’un désir ou d’un doute, jamais d’une commande. Sans début et sans fin, ces scrapbooks sont autant de tentatives artistiques miraculeusement soustraites à l’idée d’achèvement. Ils interrogent l’Histoire et les mythes ; l’intime et le sexe ; les crises et les crimes.
Matthieu Orléan
À cette occasion, Pacôme Thiellement et Bertrand Mandico présenteront leur nouvel ouvrage Déviations publié chez Anima.
Bertrandt Mandico (Né en 1977 à Toulouse, France)
Formé à l’Ecole de cinéma d’animation des Gobelins, Bertrand Mandico a commencé à imaginer ses films en dessinant. De cet apprentissage artisanal, il gardera le goût des décors baroques, qui donnent ce magnétisme unique à son œuvre cinématographique (constituée de dizaines de courts métrages, et de deux longs, dont After Blue (2021). Mandico ne met pas en scène ses fantasmes : il les invoque et les projette dans le réel. Le cinéaste tourne d’ailleurs toujours en pellicule, pour conserver cette rencontre tactile avec le médium. Il préfère la prolifération de la matière au séquençage informatique. Le grain au pixel.
Sa muse, l’actrice Elina Löwensohn, incarne cette beauté surnaturelle, et son visage hante les nombreux collages et scrapbooks que le cinéaste réalise depuis 2010. Dans ce qu’il nomme ses « journaux de son inconscient », Mandico réfléchit aux projets passés et aux dérèglements à venir. Il entremêle des photographies de ses films avec des rebuts de magazines de cinéma vintage (aussi bien Superman que Pier Paolo Pasolini, avec une prédilection pour les cinéastes martyrs), des revues érotiques et des livres d’art, qu’il n’hésite pas à découper et sacrifier. Mandico se fait l’apôtre du hasard objectif, à la recherche d’accidents et de clashs visuels qui trouvent leur point d’aboutissement quand il y ajoute des dessins et des mots peints à la main : les rehauts de gouaches parachèvent son geste chamanique et relie le cinéma pour toujours à une pratique alchimique impure.
Dans son court-métrage Huyswoman (2020), un homme grimé, assis sur une chaise au milieu d’un plateau de film fantastique abandonné, regarde la caméra et tourne les pages d’un carnet posé sur ses genoux. C’est le portrait de l’artiste en scrapbooker, définissant son art comme un « coup de couteau dans les côtes ». Viscéral & pulsionnel
Christophe Berhault (Né en 1958 à Paris, France)
Peintre, dessinateur, vidéaste, Christophe Berhault réalise une série de petits carnets de collages dont l’apothéose est un imposant scrapbook, baptisé Journal analogique et réalisé en trois mois seulement en 2007. L’artiste y juxtapose des centaines d’images imprimées, issues de la presse internationale, qu’elle soit généraliste ou pornographique. L’artiste recycle des images de sportifs et d’acteurs connus (les visages en médaillons de Jude Law ou de Guillaume Canet), mais aussi et surtout des anonymes, des animaux, des scènes de guerre ou de sexe, avec une prédilection pour certaines couleurs (or et rouge) et pour tout ce qui est bizarre, voire presque malsain. En ce début de XXIème siècle torturé, Berhault travaille à partir de la réalité bouillonnante du monde sur laquelle il agit tel une sorte de révélateur vaudou.
De la même manière qu’il a chiné des milliers de photographies vernaculaires aux Puces de Berlin pour son film-diaporama 200.000 Paintings (présenté ici), l’objet support de son scrapbook est un Atlas des années 20, trouvé dans une poubelle à Paris. Il y réalisera un diary de la transgression, gouverné par des principes d’associations libres, motivés par l’unique désir de voir les images s’accoupler pour engendrer des monstres, Gorgones et Hydres contemporaines couvertes de sang, surmontées de têtes coupées et fiers.fières de leurs sexes turgescents. D’une certaine façon, et presque « confusément » comme il le dit lui-même, Berhault dénonce l’ultra-violence qui est devenue la norme abusive de la presse des années 2000 – avant que les images non censurées migrent majoritairement vers Internet. L’intimité de celui qui regarde ces images s’en trouve modifiée à jamais.