Rockers

Weinberger les traitait toujours correctement, m’ont dit d’anciens membres des Lone Stars, le “gang de voyous” dont sont issus les Hells Angels. Il était toujours là avec son appareil photo, à la fois en retrait et au cœur de l’action. Il était d’autant plus apprécié qu’il distribuait généreusement les tirages de ses photos. Les photos de Weinberger apparaissent donc à plusieurs reprises dans les albums photos de ses protagonistes. Ces albums étaient pour eux ce que le fil Instagram est pour les adolescents d’aujourd’hui. Rien n’était plus important que la photo. L’image d’eux-mêmes en tant que membres d’un gang “sauvage”.

Les photographies de Karlheinz Weinberger ressortent lorsque l’on feuillette ces albums. Peu importe la fréquence et l’enthousiasme avec lesquels les jeunes se sont photographiés, l’image qu’ils ont prise d’eux-mêmes est floue et manque de contours. Seul l’outsider Weinberger a réussi à montrer qu’ils étaient plus que des “rebelles sans cause”. Il les a fait poser devant son appareil photo et a en même temps exagéré la pose avec des moyens photographiques. Il a vu la beauté derrière l’apparence martiale. La fierté et la vulnérabilité que les premiers rockers tentaient de cacher derrière leurs uniformes rapiécés et leurs énormes boucles de ceinture.