Burning Man (1998)

« Ce 21 juin 86, ils sont une vingtaine à allumer un feu de joie sur la plage de Baker Beach, une langue de sable d’où on peut admirer le Golden Gate Bridge à San Francisco. C’est le solstice d’été. Comme un lointain souvenir des fêtes païennes que leurs ancêtres ont célébré dans les campagnes européennes durant des siècles, une effigie humaine de bois et de paille est brûlée avec celle d’un chien, histoire d’expier les bad vibes de l’année. La petite bande est composée de trentenaires désabusés: en ces années yuppies, San Francisco, berceau du mouvement hippie, des Black Panthers ou du punk Hardcore a du plomb dans l’aile, et il faudra encore attendre une dizaine d’années avant que la Silicon Valley devienne le centre du monde moderne. Larry Harvey et son copain Jerry James, respectivement jardinier paysagiste et charpentier, approchent la quarantaine. En voyant accourir les baigneurs de toute la plage, ravis du spectacle, Larry ne comprend pas tout de suite qu’il assiste à la naissance d’un truc énorme. Bien sûr, il devra accomplir son petit chemin de croix avant de le révéler au monde, quand des voisins découperont à la tronçonneuse le totem stocké sur un parking, ou durant ce soir de 90 où les flics furibards mettront un terme définitif aux veillées de Baker Beach en piétinant les cendres encore fumantes du Man. Mais dès l’exode de 91, lorsqu’une centaine de burners embarqueront dans des vans en direction du Nevada avec de quoi tenir une semaine sans passer au Walmart, Burning Man va devenir le plus grand raout de l’ère digitale, le carnaval des geeks, la Mecque où chaque hipster doit faire son Hadj. »
Yan Morvan